Comme le disait Zali dans ses miettes de l’actu, même les semaines les plus creuses ont leur metroidvania. Ce début juin pré-conférences ne le fait pas mentir, et voit arriver Souldiers, décrit par Retro Forge, son tout petit studio madrilène composé de six vétérans de l’industrie, comme un mélange de progression à la metroidvania, de combats à la Souls-like et de plateforme hardcore. Une description tout à fait juste, mais dont la formule ne fonctionne vraiment que durant les premières heures, avant de prendre un virage tout autre.
Son pixel art (absolument sublime en toutes circonstance), ses influences, sa structure, son gameplay, son écriture ne mentent pas sur la marchandise : Souldiers est dans un parti pris entièrement rétro. Un aspect qui aurait pu faire craindre le pire, puisque pour toute une frange de l’industrie, faire du rétro consiste à rendre son titre volontairement désagréable à jouer, afin de retrouver les doux parfums de son enfance. Un écueil que Retro Forge ne parvient pas entièrement à éviter, mais probablement plus par accident que par intention. Mais peu importe, finalement, le rapport qu’entretient Retro Forge avec les vieux jeux : le véritable problème se situe finalement plus dans son approche du Souls-like.
Des premiers pas prometteurs
Mais commençons dans l’ordre, car après tout, Souldiers démarre vraiment très bien. Après avoir choisi sa classe de départ (Guerrier, Archer ou Mage) qui déterminera le gameplay de toute la suite du jeu – j’ai essayé par pure déontologie, mais vraiment je continue de détester les classes à distance – on est rapidement balancé dans le premier donjon, une grotte vue et revue remplie d’araignées, de chauves-souris et de blobs. Un premier donjon qui cristallise à la fois toutes les qualités et tous les défauts du titre.
Côté qualités, il faut le dire et le redire : c’est vraiment très, très beau. Les progrès en finesse et en animation de pixel art ne cessent de croître, pour mon plus grand plaisir, et Souldiers n’a vraiment pas à rougir devant les dingueries servies ces dernières années comme Loot River, Backbone, Eastward, Katana Zero ou Owlboy. C’est superbe à l’arrêt, et ça l’est encore plus en mouvement. L’animation est parfaitement fluide, les couleurs sont chatoyantes et les sprites sont d’une finesse incroyable : je n’ai aucun mal à croire que les pixel artists derrière Souldiers soient des vétérans, tant les modèles sont fins et détaillés. C’est réellement un travail d’orfèvre. On regrettera toutefois un cruel manque d’imagination dans les designs, à la fois dans les environnements et dans les personnages. Grotte, forêt, pyramide ensablée, etc., peuplées de loups, de momies, d’araignées : on a déjà vu ça mille fois et ça ne décolle jamais vraiment du côté de la créativité visuelle. On aurait aimé que des artistes aussi talentueux puissent se lâcher un peu plus sur les concept arts.
Mais poursuivons notre premier donjon. Passée la petite claque graphique, il est temps d’aller explorer les nombreux tunnels de la cave et un deuxième constat très positif se fait : le level design est de très bonne facture. Les passages principaux et alternatifs sont agencés intelligemment, les différentes zones ont des éléments visuels suffisamment marquants pour que l’on s’y repère sans avoir à consulter la carte toutes les deux secondes et l’aspect metroidvania est amplement maîtrisé. Ce n’est jamais rien de révolutionnaire ou de surprenant, mais l’enchaînement des objets et pouvoirs débloqués, donnant accès à toujours plus de zones, se fait de manière parfaitement organique et fluide. Si Souldiers n’invente rien en termes de metroidvania, il applique la formule avec une telle rigueur et une telle compréhension de ses enjeux que son classicisme en est tout pardonné.
D’autant plus pardonné qu’au-delà d’être très réussi, l’aspect exploration du titre est rendu pas mal accessible par quelques options de confort que l’on aimerait ne plus avoir à réclamer dans les metroidvania. Je pense tout particulièrement aux chemins bloqués par une absence de pouvoir ou d’objet, indiqués sur la carte par un symbole précisant quelle amélioration ou quelle clef permettra d’y aller. Couplé à un système de fast travel et de points de téléportation suffisamment bien placés, le backtracking, qui peut être un exercice particulièrement pénible ou laborieux dans ce type de jeux, se passe ainsi comme sur des roulettes, et on prend plaisir à retourner dans de vieilles zones pour finir de tout récolter.
Du Souls-like, mais en pièces détachées
Mais du coup, ça a l’air très bien non ? Ça l’était, oui, jusqu’au boss de fin de niveau du premier donjon. Pour être honnête, j’ai commencé à froncer les sourcils un peu avant, en me tapant contre un mini-boss qu’on ne pouvait passer qu’en apprenant par cœur tous les patterns – au demeurant très lisibles, fort heureusement. Et c’est le moment de reparler de Souls-like, puisqu’à partir de la fin du premier donjon, et ce jusqu’à la fin du jeu, les très, très nombreux affrontements seront là pour vous faire roter du sang, et ce même en mode facile. Et c’est, je pense, une assez mauvaise lecture de la formule de FromSoftware.
Que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : oui, bien sûr, les Soulsborne sont effroyablement difficiles et j’ai beau les porter dans mon petit cœur de masochiste, j’ai pété des câbles à répétition sur un nombre absurde de zones et de boss. Dans Bloodborne, Dark Souls 3 ou Elden Ring, j’ai crié quand plusieurs ennemis sont venus me latter la face en même temps, j’ai crié quand des effets de poison, de saignement ou de malédiction se sont cumulés sur mon pauvre personnage, quand je suis tombé dans un piège en tentant de fuir, ou en mourant à quelques mètres d’un feu de camp. Et pour continuer d’être honnête, je ne trouve pas toujours cela très juste ou équilibré. Malgré l’amour que je porte à ces jeux, j’admets tout à fait que certaines séquences sont ratées, injustes, voire méchantes gratuitement.
Seulement, la formule FromSoft ne repose pas que sur des combats vénères et techniques, pas plus qu’elle ne repose que sur sa structure, son lore cryptique, sa direction artistique ou son level design : il s’agit, plus que d’un simple cahier des charges, d’une sorte d’immense diagramme de Venn regroupant tous ces aspects, pour trouver au milieu les fameux Soulsborne, avec quelques rares heureux élus gravitant plus ou moins près du noyau – on pourra y trouver par exemple les très cool The Surge 2 ou Nioh dans les clones 3D et les fantastiques Blasphemous, Hollow Knight ou Dark Devotion côté 2D. Et, ça me peine un peu de le dire, mais ne reprendre quasiment que la partie combats des Souls-like dans un metroidvania est une fausse bonne idée.
Y en a un peu plus, je mets quand même ?
Certes, les mécaniques de combat de Souldiers sont solides. Les mécaniques d’attaques lourdes et légères, la parade et sa jauge de résistance, la roulade et son cooldown : toutes répondent au doigt et à l’œil et n’ont pas vraiment été prises en défaut lors de ma partie. La plupart des arènes ou des couloirs, pris totalement à part, fonctionnent en tant que tels et pour ce qu’ils devraient être : des joutes exigeantes, dont il est possible de se tirer d’affaire avec la maîtrise rigoureuse qu’un système aussi impardonnable que celui de Souldiers requiert.
Mais ces combats sont intégrés dans un pur metroidvania, ne tenant pas vraiment compte de la rudesse des combats. Il ne sera ainsi pas rare de perdre beaucoup de vie et/ou de potions de soin sur un tunnel de combats, pour finalement aller mourir quelques mètres plus loin sur une séquence de plateforme hardcore, certaines ne laissant d’ailleurs droit à aucune erreur, et devoir tout recommencer. Ce n’est pas forcément mieux quand le jeu accepte de placer un checkpoint entre deux séquences, puisque la mort nous fera revenir avec le même nombre de points de vie qu’au moment de l’activation dudit checkpoint et fera réapparaître les ennemis par la même occasion, nous coinçant avec une barre de santé quasiment vide au beau milieu de grappes d’ennemis fâchés et/ou de plateforme à base de piques, de projectiles et de minuteurs. J’encensais plus haut le très bon level design du titre selon un prisme de metroidvania, mais ce dernier souffre sévèrement de la difficulté de certains combats et de l’emplacement ou absence des checkpoints. On aurait aimé, puisqu’à citer les Dark Souls, ou, si on part sur de la 2D, les Hollow Knight ou Blasphemous, que des raccourcis puissent être ouverts entre ces séquences, histoire de ne pas avoir à refaire des pans entiers de niveaux suite à une mort bête.
On se retrouve ainsi à jongler entre des combats punitifs, non pas à cause du gameplay, mais bien de la structure du jeu, de plateforme vraiment très fâchée – parfois même méchante, certains tableaux ressemblent à de l’acharnement, et il n’est pas rare de se faire très salement bolosser par des enchaînements de pièges – et de phases de puzzle pas très inspirées. Car encore une fois, Retro Forge fait dans le classico-classique, quand il ne vire pas totalement à l’archaïque. On pestera contre ces torches à allumer le plus vite possible dans un timing plus que serré, ces cristaux de couleur à combiner pour ouvrir des portes, mais dont les associations sont loin d’être évidentes (même pour une personne non-daltonienne) et on s’énervera encore plus quand ces puzzles se trouveront intégrés dans des combats de boss, demandant de trouver le chemin parfait dans une phase de plateforme chronométrée tandis qu’un gros monstre nous bombarde de lasers, ou qu’il faudra alterner entre différentes armes pour activer des interrupteurs et taper l’ennemi.
On sent une vraie envie de bien faire, de varier les propositions et d’exploiter ses mécaniques au maximum, mais à force de trop vouloir en mettre, on finit fatalement par tomber dans la facilité un peu ennuyeuse ou dans l’inutilement difficile et punitif. Et, alors que quasiment toutes les mécaniques sont individuellement efficaces et maîtrisées, on se retrouve avec un résultat final très inégal, parfois bon, mais souvent frustrant.
Souldiers a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Switch, PS4, PS5 et consoles Xbox.
Techniquement et visuellement irréprochable, Souldiers n’est pourtant pas entièrement recommandable. La plateforme hardcore, les combats inspirés des Soulsborne, la structure de metroidvania : tous ces aspects pris indépendamment sont parfaitement maîtrisés et ont été conçus par des gens qui connaissent et comprennent les enjeux respectifs de ces genres. Malheureusement, le mélange est parfois hasardeux et les différentes influences ont trop souvent tendance à venir parasiter ou détériorer les autres, pour un résultat finalement assez injuste et décourageant. Sans le condamner pour autant, nous recommanderons de s’y lancer en connaissance de cause et en gardant bien en tête que Souldiers n’est pas juste un metroidvania et vous fera du mal à la moindre occasion. Et c’est un habitué du mardi douleur qui parle.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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