Cette fois-ci dans Partie Rapide, glau n'a pas réussi à se perdre dans les rues parisiennes de Liberté, tandis que Shift a déchanté devant l'early access du jeu de cuisine Cook Serve Forever.
Liberté
Bienvenue à ce cours de rattrapage d’Histoire de France. Ouvrez votre manuel là où nous nous étions arrêtés la dernière fois… Voilà : 1789, une date fondamentale : le trône du roi Louis, mort de vieillesse, est brigué par le prince Louis-Philippe (ou Philippe tout court, selon les sources), tandis qu’une entité mi-flore-mi-chair profite du chaos ambiant pour planter des clones humanoïdes appelés René dans le sous-sol parisien. Aujourd’hui, nous allons explorer le rôle de l’Inquisition face aux rituels vaudous de la capitale… comment ? Vous n’avez pas le même manuel ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’États généraux ?
Vous l’aurez compris : la Liberté du titre commence par une sérieuse liberté d’interprétation. Ici, on met tous les clichés franchouillards des XVIIIe-XIXe siècles dans une grosse marmite, et on remue très fort. Les soldats royaux ont des uniformes napoléoniens ou Second Empire, on rencontre les révolutionnaires (ou plutôt "rebelles") au Café de Flore (ouvert en 1885), le tout dans une direction artistique tendance Art nouveau, donc fin XIXe… Bref, n’en jetez plus. D’ailleurs, le name-dropping en pagaille (Charlotte Corday ! Jean-Baptiste Poquelin !) est purement superficiel : contrairement à un Assassin’s Creed, on ne rencontrera jamais aucun personnage historique. On n’est pas là pour réviser le bac, mais pour distribuer des baffes.
Comme tous les djeun’s cools aujourd’hui, Liberté se définit comme un hack&slash roguelite indie ascendant deckbuilder. Hack&slash pour commencer, parce qu’il s’agit surtout de distribuer des mandales dans de petits niveaux en forme de couloir. Roguelite, parce qu’on perd pratiquement toute progression à chaque trépas, hormis quelques composants. Indie, parce que développé par une équipe de quatre, ce qui peut excuser quelques problèmes — on y reviendra. Deckbuilder enfin : les différents coups que l’on distribue proviennent d’un jeu de "cartes" choisi au début de la run, qui viendra s’étoffer au fur et à mesure de la progression.
Une fois ce deck choisi, on opte pour une faction parmi "rebelles", royalistes, vaudou ou inquisition, et c’est parti pour une grande ligne droite dans des rues en tabassant les méchants du jour qui sont l’une des autres factions. Et ainsi de suite en boucle, ce qui fait que l’on peut très bien affronter les soldats de Philippe, puis enchaîner en se mettant au service du même roi pour taper cette fois-ci des rebelles, le tout avec l’apparence de la propre meneuse desdits rebelles, parce que yolo. Chaque run réussie rapporte un peu de réputation, ce qui permet in fine de débloquer divers trucs et machins pour pimper votre deck, bref, la ritournelle habituelle.
À vrai dire, la bagarre est assez plaisante à jouer, et c’est déjà pas mal. Les coups ont du punch et les compétences se combinent avec plaisir. En augmentant la difficulté (pour pluuuus de loooot), certains boss pourront vous faire transpirer, d’autant qu’enchaîner les runs avec le même build amène de nouveaux malus dans certains combats. L’idée de vouloir absolument en faire un deckbuilder est déjà plus curieuse — on ne voit pas trop l’intérêt de faire autre chose qu’un deck réduit aux trois ou quatre skills qui nous plaisent — mais on est prêt à excuser cette idée probablement imaginée lors d’une fin de soirée trop arrosée. Après tout, qui n’aime pas crafter de jolies cartes ?
Non, ce sont d’autres problèmes techniques qui font coincer la machine. Les niveaux sont truffés d’escaliers… où les coups ne portent pas, puisque les personnages tapent à l’horizontale. Les compétences ont parfois du mal à se déclencher, soit parce qu’on est juste un peu loin, mais trop souvent pour des raisons inexpliquées. Le timer des compétences, justement, manque d’un petit rappel visuel, ce qui oblige à un constant strabisme divergent vertical : un œil sur le champ de bataille et l’autre sur la barre des compétences. Et puis dommage, surtout, de voir ce Paris — plutôt joli finalement, malgré un épais filtre sépia — réduit à l’état de couloir morcelé. Certes, l’action s’enchaîne sans réfléchir, mais le jeu aurait nettement gagné en épaisseur en laissant de petits choix à chaque quartier. Quitte à copier sur tout le monde, rien qu’une petite progression en forme de Slay the Spire aurait fait l’affaire.
Liberté a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
D’accord : il y a des limites à ce que peut faire une équipe de quatre. Le vrai problème, finalement, est d’avoir sorti Liberté DEUX PETITES SEMAINES avant un autre hack&slash un poil plus conséquent. Vous savez, celui qui commence par "Dia" et finit par "blo quatre". Qui ne sera probablement pas parfait non plus, mais gageons qu’on pourra se friter dans les escaliers.
Cook Serve Forever
Menée depuis plus de dix ans par le studio Vertigo Gaming, la série culinaire Cook, Serve, Delicious a connu des évolutions de gameplay, de structure et d’esthétique au fil des épisodes, sans pour autant changer le cœur de sa formule : celle de jeux stressants et exigeants, rythmés par des temps calmes et temps forts et faisant la part belle au multitâche. Avec l’early access de Cook Serve Forever, cependant, le studio fait un pas de côté et se détache de sa philosophie de gameplay. Avec, pour le moment, assez peu de succès.
Nouvelle recette, mauvais ingrédients
La volonté de changer la formule était annoncée : en ne nommant pas le nouvel opus Cook, Serve, Delicious 4, mais Cook Serve Forever, Vertigo Gaming montrait dès le début sa volonté d’emmener la licence dans une autre direction, quitte à revenir aux sources avec un « vrai » CSD4 plus tard. Une intention louable, malheureusement accompagnée de choix inexplicables. Car se débarrasser d’une formule est une chose, en proposer une nouvelle en est une autre.
Exit, tout d’abord, la structure en jours, accompagnée de l’amélioration du matériel et du restaurant, et de l’achat de recettes. Bien plus narratif que ses aînés, CSF nous place (comme CSD 3) dans un food truck, permettant de choisir son quartier à chaque nouveau service. La mécanique est la suivante : rejouer plusieurs fois un quartier augmente son niveau de difficulté, amène de nouveaux dialogues avant et pendant le niveau, et déverrouille les quartiers suivants, afin de poursuivre la campagne dans de nouvelles zones.
Plusieurs problèmes accompagnent cette nouvelle structure. Mécaniquement, déjà, c’est extrêmement pauvre. Alors que les précédents titres de Vertigo faisaient la part belle à la variété et à la difficulté en ajoutant progressivement recettes et matériel de cuisine, CSF repose sur un gameplay bien plus basique et répétitif, demandant uniquement d’appuyer sur les bonnes touches du clavier ou de la manette dans le bon ordre, avant que les clients (qui arrivent un par un) ne s'impatientent. Pas de rythme, pas de tâches à gérer en parallèle, juste des pressions plus ou moins longues sur les flèches directionnelles qui apparaissent à l’écran pour atteindre la fin d’un service. L’activité est rébarbative au possible – il m’est arrivé d’appuyer parfois jusqu’à 15 ou 20 fois d’affilée sur la touche du bas – et n’est que rarement chamboulée, par des bonus d’XP qui « complexifient les tâches » – il faudra appuyer plus longtemps sur un bouton – ou la mécanique de NOT (il ne faut pas appuyer sur la touche à l’écran).
Cette pauvreté de gameplay aurait pu être moins gênante, si l’autre proposition de Cook Serve Forever avait tenu la route. En effet, la simplification, voire disparition des mécaniques et pans de gameplay – l’aspect gestion a par exemple entièrement disparu, il n’y a même plus de budget à gérer – était censée s’équilibrer avec un aspect visual novel. On incarne Nori Kaga dans sa route vers la célébrité et la reconnaissance en tant que cheffe reconnue, accompagnée de sa petite amie Brie et de quelques personnages plus ou moins farfelus. Si le scénario peut aborder des sujets intéressants (la question du burn-out, du mal-logement ou du capitalisme), les dialogues ne sont pas vraiment bien écrits (Brie ne semble rien connaître du monde qu'elle habite, sans raison apparente), certaines séquences sont même assez cringe, et surtout, la narration est bien trop effacée une fois l’introduction passée.
On se retrouve donc à enchaîner les niveaux sans que de nouvelles séquences narratives ne se pointent, et quand elles le font, c’est pour égrainer quelques dialogues sans grand intérêt, voire gênants. Quelques blagues font mouche, et le couple central peut avoir ses moments mignons ou un peu touchants, mais on est beaucoup trop loin d’un scénario ou de dialogues assez présents et intéressants pour compenser un gameplay aussi faible et répétitif. L’accès anticipé, censé se poursuivre sur neuf ou dix mois encore, pourra peut-être corriger cette partie narrative prometteuse, mais trop discrète, mais sans un remaniement complet du gameplay – déjà différent de l’alpha présentée au moment de l’annonce – Cook Serve Forever restera un jeu de cuisine fade et répétitif.
Cook Serve Forever a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
On ne pourra pas reprocher à Vertigo Gaming d’être resté dans sa zone de confort avec Cook Serve Forever. Abandonnant l’aspect gestion et multitâche stressant et nerveux au profit du visual novel, la série culinaire perd son plus grand intérêt, sans réussir à le remplacer par quoi que ce soit de convaincant. Le studio se laisse plus d’une année avant la sortie en V1.0, espérons que cela suffise pour ajouter un peu d’intérêt au gameplay – du rythme, par exemple ? – et de contenu au titre, autant côté recettes que dialogues. Tout n’est pas perdu, mais on ne peut s’empêcher d’être déçus par ce premier contact.
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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