Pour cette Partie Rapide de début d'année, glau vous propose deux petits puzzles bien plaisants quoique très différents : retour au collège avec AssassInvisible et un peu de programmation dans le langage visuel d'ABI-DOS.
AssassInvisible
Camille rentre en sixième. Dur dur de redescendre du statut de grande de la cour à nabot du collège, d'autant que "madame le proviseur" n'a pas l'air commode et que les cours d'histoire-géo sont teeellement looongs. Heureusement, il y a Juju, sa meilleure amie pour la vie. Et puis AssassInvisible, un petit jeu d'infiltration que Camille a commencé à griffonner au stylo 4-couleurs sur son cahier pendant les cours…
Meurtriécolier et Tueur-de-colle
Sur la copie, l'assassin est muni d'une double gomme : on imagine que le côté bleu sert à mener à bien sa sinistre mission – éliminer les cibles, quitte à faire un trou dans la page – tandis que le côté rouge sert à s'effacer lui-même. Une fois rendu invisible, il peut alors évoluer sur la page en évitant les gardes qui l'empêchent d'atteindre ses objectifs. Évidemment, cela nécessite de mémoriser continuellement sa position : dès qu'il se cogne aux murs, il réapparaît soudainement. Si la mécanique semble simpliste, elle est déclinée avec élégance au fur et à mesure que le jeu (et l'année scolaire) progresse. Chaque chapitre s'ouvre comme il se doit sur de nouvelles mécaniques : une directrice fureteuse, une navigation plus complexe entre les pages, des ascenseurs plus alambiqués qu'il n'y paraît, et ainsi de suite. Dont certains choix assez inattendus, comme celui de mélanger temps réel et tour par tour, une hérésie puzzlesque qui fonctionne étonnamment bien.
En parallèle, chaque niveau évoque un peu des états d'âme de Camille. Disputes, jalousie, leçons d'histoire, mots du professeur et notes au voisin remplissent les marges. Fautes d'orthographe incluses, car c'est un jeu bien franchouille et autant en profiter. Le mode narratif, absolument pas envahissant, fonctionne à merveille : AssassInvisible ne serait peut-être qu'un puzzle dans la moyenne s'il n'y avait pas cette ambiance délicieusement scolaire qui nous pousse à bien explorer tous les niveaux – y compris évidemment quelques-uns plus cachés – juste pour avoir notre dose de potins collégiens.
Difficile d'en dire plus : AssassInvisible n'est pas bien long – comptez 4-5 h en feuilletant bien toutes les pages – et je m'en voudrais de trop dévoiler ses surprises. Il ne fournit pas beaucoup plus que promis, mais il le fait bien et sans fioritures. Est-ce simplement de la nostalgie ? Ou est-ce parce que ma fille rentre elle-même au collège ? En tout cas, il a su me toucher.
AssassInvisible a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Pas trop long, pas trop difficile à part quelques niveaux un peu plus corsés qui ont le bon goût d'être facultatifs (fichu VII-10, j'ai mis un bout de temps à percer tes secrets), AssassInvisible brille surtout pour l'évocation très tendre de la préadolescence. Difficile de lâcher le stylo, et l'année scolaire file à toute vitesse. Comme dans la vraie vie.
ABI-DOS
Le studio Zachtronics a fermé ses portes en 2022 et, pour une fois, c'était pour des raisons plus personnelles qu'économiques. Toujours est-il que cette fin a laissé de nombreux fans orphelins – dont votre serviteur – après des années de chefs-d'œuvre puzzlesques. Il y a évidemment eu quelques tentatives pour remplir ce vide, allant du franchement décevant (Prime Mover, Comet 64) au correct (Signal State) avec quelques vraies réussites (Infinite Turtles, Silicon Zeroes) qui ne font que souligner à quel point il est difficile de produire un puzzle de programmation efficace, à la fois maniable, ludique et tout de même suffisamment corsé.
ADI-BOU
Car le puzzle de programmation, tel que popularisé par Zachtronics, a ceci de particulier que chaque niveau admet non pas une solution, mais une quasi-infinité. Il ne s'agit pas de saisir une astuce cachée par le concepteur, mais s'approprier les outils fournis pour construire quelque chose de fonctionnel : l'approche est complètement différente. Encore faut-il que les briques de base soient utilisables. Si celles d'ABI-DOS sont ne sont pas toujours évidentes, l'interface est heureusement un modèle du genre et se laisse rapidement prendre en main. Tout au plus peut-on regretter une documentation (au format PDF, à l'ancienne) un peu légère sur certains points, notamment concernant le comportement des signaux conditionnels.
Houlà, "signaux conditionnels", on commence à utiliser des gros mots. En même temps, ce n'est pas plus mal : ABI-DOS s'adresse tout de même à un public que ne rebute pas la perspective d'additionner, trier et répartir des valeurs entières qui sont en même temps des symboles à afficher. Bref, des informaticiens (au moins tout au fond de leur cœur). Pour ceux qui passent le filtre, ABI-DOS est un petit régal. Visuellement, d'abord : avec son allure rétrofuturiste tout en rondeurs, ses couleurs primaires et crème, et ses multiples écrans qui clignotent quand on lance son programme, il est tout simplement classe.
L'originalité et la difficulté d'ABI-DOS viennent de ce que le déplacement de nos petits nombres (les "u-bits") n'est pas totalement intuitif, et on peut souvent choisir entre forcer le synchronisme (ce qui rend généralement les choses plus faciles) ou non (plus optimal, mais aussi plus délicat à mettre en place). On retrouve avec délice le plaisir d'assembler de bric et de broc une monstruosité algorithmique qui a pour seul mérite de passer le niveau, avant de comparer sa solution avec le reste du monde – selon trois critères, exactement comme d'habitude : vitesse, espace et nombre d'instructions – pour se rendre compte qu'on est complètement dans les choux.
Allez hop : on revoit sa copie, on renverse le système, on gagne quelques instructions. Au fur et à mesure, des motifs émergent, on élabore un couteau suisse de routines qui simplifient la vie. Encore et encore. Quand c'est aussi bien fait, la méthode Zachtronics est décidément inusable.
Mettons les points sur les u-bits #108 : ABI-DOS s'adresse d'abord aux Zach-addicts, qui adorent lancer des milliers de nombres dans un circuit qu'ils ont conçu de leurs petites mains. Mais comme il est aussi gratuit dès janvier, rien ne vous empêche de vérifier si vous ne faites pas partie de cette déviance malsaine. Pour la science.
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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