Quelques années après le RPG parodique UnEpic, les Espagnols de @unepic_fran livrent UnMetal, une nouvelle farce, sous la forme d’une parodie outrancière des premiers Metal Gear sur MSX. Au programme : infiltration, fusillades et blagues meta.
Je dois vous avouer que je ne partais pas avec un a priori très positif : si l’idée de parodier l’univers de Metal Gear n’est pas sotte (beaucoup d’autres s’y sont déjà frottés depuis longtemps), le descriptif du jeu insistait beaucoup sur son côté hommage aux jeux des années 80 (« Découvrez une pléthore de références satiriques à des jeux, des films et d’autres œuvres. Vous rirez, vous pleurerez et vous en tomberez amoureux. »). Pour tout vous dire, j’avais peur de tomber sur un non-jeu qui fasse office de musée des blagues éculées pour quadra nostalgique des années de sa jeunesse. À ma grande surprise, il n’en a rien été : UnMetal est un jeu à l’humour assez travaillé et parfois subtil, pas spécialement tourné vers un univers rétro-doudou. Son seul problème, c’est que la blague est beaucoup trop longue, et que sa manière de la raconter est parfois assez fastidieuse.
Fox te raconte un truc
UnMetal utilise un dispositif assez rarement vu dans le jeu vidéo (à quelques exceptions notables), à savoir raconter l’action par les yeux d’un narrateur a posteriori. Avec le petit coup de génie complémentaire qui fonctionne à merveille : dans UnMetal, vous racontez à quelqu’un un interrogatoire que vous avez subi, l’interrogatoire en question retraçant les événements du jeu en lui-même. En résulte un récit dans un récit dans un récit, servi par un narrateur que l’on devine très vite pas franchement fiable, d’où de nombreuses possibilités de raconter n’importe quoi, puisque vous incarnez visiblement un mythomane patenté.
Le narrateur en question, c’est un certain Jesse Fox, bonhomme buriné à bandeau ninja des années 80 qui a fini capturé par l’armée américaine suite à une évasion d’une base secrète à bord d’un hélicoptère soviétique. Pris pour un espion, il doit raconter très précisément sa capture (pour « un crime qu’il n’a pas commis » comme le répète une bonne cinquantaine de fois le jeu de manière hilarante), puis son évasion, et convaincre l’armée alliée de sa bonne foi. L’évasion en question implique moult rencontres, subterfuges pour ne tuer personne (Jesse Fox n’est pas un meurtrier, voyons) et… pas mal de considérations écologiques, puisque notre héros à la personnalité bornée et légèrement obsessionnelle refuse de se débarrasser d’items inutiles s’il ne trouve pas d’abord une poubelle verte adéquate. La Planète, c’est important.
Le fait d’appuyer tout le récit sur un narrateur visiblement peu regardant sur l’exactitude des faits rapportés permet à UnMetal de partir dans pas mal de directions farfelues, tout en laissant occasionnellement au joueur ou à la joueuse le choix de décrire au fil du récit une partie des scènes traversées. Vous pouvez par exemple à plusieurs reprises choisir une partie de l’aspect d’un boss, le type de gardes que vous allez affronter, ou encore… de vous transformer en fromage géant alors que vous essayez d’échapper à une horde de rats. L’humour du jeu, alternant entre absurde, parodie plutôt inspirée des jeux d’infiltration de Kojima ou encore purs gags visuels fonctionne extrêmement bien pendant une bonne partie du jeu, et m’a cueilli à plusieurs reprises avec de gros fous-rires inattendus. Non, vraiment, en tant que blague, UnMetal fonctionne admirablement : c’est même un des jeux les plus marrants que j’aurai touchés depuis des années. Le problème, c’est que d’une part, le jeu en lui-même n’est pas exempt de défauts, et que… toute l’énergie créative a visiblement été investie dans les cinq premiers chapitres (et le jeu en compte une dizaine).
Problèmes d’infiltration
Pour peu que vous ayez déjà joué à un vieux Metal Gear, les premiers tableaux d’UnMetal ne vont pas vous dépayser. Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas très grave, on comprend vite le principe : il s’agit pour l’essentiel de se cacher dans l’ombre et dans le dos de gardes pour traverser la base ennemie en toute discrétion, et en évitant des pièges de plus en plus complexes. Le tout est ponctué de combat de boss plus ou moins retors qui mettront à profit l’arsenal militaire déniché en route.
La principale innovation d’UnMetal en la matière est sa dimension point and click : à plusieurs reprises, les pièges ne sont esquivables que par d’astucieuses combinaisons d’objets, et plusieurs combats de boss sont résolus de manière « pacifique », uniquement en sélectionnant différentes options de dialogue lors de confrontations verbales. L’un d’entre eux consiste par exemple à faire pleurer un sergent instructeur avant qu’il ne vous humilie, et un autre à convaincre un portier que le vieux carton que vous trimballez est une délicieuse pizza fumante. Ces idées sont assez brillantes, tant elles viennent rompre la monotonie exploration-infiltration-gunfight qui s’installe un peu dans le reste du jeu.
Hélas, une gestion assez pénible des points de sauvegarde (parfois trop éloignés des boss ou des épreuves les plus pénibles, même si un objet particulier permet les sauvegardes intermédiaires), quelques phases d’infiltration très très peu inspirées voire carrément buggées dans la seconde moitié du jeu et des combats de boss de moins en moins bien ficelés à mesure que le jeu avance (comptez quand même une quinzaine d’heures pour en voir le bout en difficulté standard)… finissent par briser la magie et lasser un peu. Au point où je me suis demandé si l’insertion d’un niveau sous-marin particulièrement peu intéressant tenait de la parodie ratée (nous faire jouer à un truc notoirement désagréable dans tous les jeux vidéo) ou juste du manque d’inspiration. Dans le même ordre d’idées, les dernières confrontations du jeu peuvent tourner au quasi-impossible si jamais vous n’avez pas été assez économe de certaines munitions. Tous ces problèmes cristallisent en fait quelque chose qui se ressent aussi sur l’humour, qui reste le fil conducteur d’UnMetal : passé un certain point, les auteurs du jeu ne savent visiblement plus quoi raconter.
Les plus courtes sont les meilleures
Non pas que le jeu ne cesse complètement d’être intéressant dans sa seconde moitié : jusqu’à la scène de révélation finale attendue, mais qui fonctionne à merveille, j’ai esquissé çà et là des sourires. Mais clairement, UnMetal brille énormément dans ses trois à cinq premiers chapitres, pour lentement s’installer dans quelque chose de plus convenu, d’assez répétitif (la centième fois qu’on nous lance une blague sur le fait que tous les ennemis se prénomment « Mike », on a envie de lui dire de cesser), voire de carrément plan-plan : dans les dernières heures, on peut par exemple passer de longues minutes à faire de la pure infiltration et des allers-retours assez pénibles dans des niveaux déjà traversés juste pour aller looter des munitions ou des cartes d’accès à la zone suivante.
Fait révélateur : si l’humour est balancé à la mitraillette dans les premières heures du jeu, osant les pirouettes narratives et les concepts les plus farfelus à raison d’une blague toutes les deux minutes, UnMetal s’enfonce ensuite dans quelque chose de beaucoup plus sérieux, certains chapitres ne comportant tout simplement presque plus aucun dialogue et se contentant de recycler poussivement des blagues déjà entendues trois heures plus tôt. Bref, c’est un jeu paradoxal : on s’amuse énormément pendant trois ou quatre heures, on continue poliment pendant quatre autres, et on baye aux corneilles dans les quatre dernières, à peine réveillé par la frustration de constater que la difficulté n’a pas été correctement équilibrée.
UnMetal apportera ainsi, je pense, pas mal d’eau au moulin des partisans de jeux plus courts mais plus denses, tant il est évident qu’il aurait mieux fonctionné sous forme de farce en un acte que de longue comédie poussive en dix chapitres où l’on finit par se retrouver à tourner en rond dans une jungle quasi vide d’ennemis et de PNJ, séquence par ailleurs reproduite plus tard dans le jeu sous forme d’un labyrinthe particulièrement monotone et soporifique. Dommage, car vraiment, on tenait là un des très rares spécimens de jeu humoristique hors jeu d’aventure dont l’écriture et le registre d’humour pouvaient faire mouche auprès d’un large public.
UnMetal a été testé sur PC via une clé envoyée par l’éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch, PS4 et Xbox One.
J’aurais adoré vous dire qu’en plus d’être le jeu le plus drôle de l’année, UnMetal est un excellent jeu d’infiltration rétro. Hélas, ce n’est vrai qu’en partie : le titre de @unepic_fran signe un démarrage en trombe avant de dépérir lentement au fil de l’expérience. Il faut néanmoins saluer l’existence de ce jeu, différent, audacieux et n’hésitant pas à enchâsser les récits et les styles de gameplay pour proposer quelque chose qui, en pratique, s’avère bien plus original que sur le papier. C’est une prise de risque un peu ratée, mais une prise de risque tout de même.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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