Second jeu de Beard Envy, 10/10 rien que pour ce nom, Uncle Chop's Rocket Shop est un jeu de réparation de vaisseaux spatiaux, narratif, roguelite avec une structure qui rappelle Papers, Please… Jugez plutôt.
Aaaaaaah, quoi ? Mais parlez plus fort je ne vous entends pas, en plus je suis pressée, ces modules ne vont pas se réparer tout seuls. Aaaaaaaaaah. Quoi encore ? Pourquoi je crie ? C’est pas vos affaires et poussez-vous de mon chemin ou rendez-vous utile et allez me remplir ces piles de carburant. Aaaaah. Mais laissez-moi tranquille enfin, non, je ne veux pas prendre une minute pour en parler, je voudrais arriver au bout de ma quête. Que faites-vous et pourquoi avez-vous débranché le courant ? Ça se fait trop pas. Une intervention dites-vous ? Je ne vois pas l’intérêt, je vais très bien, je n’ai pas besoin d’aide, pas du tout, j’ai des trucs à faire. Des trucs à faire comme écrire une critique, dites-vous ? Mais pas du tout, j’ai des modules à réparer. Booooooooon OK, très bien, bonjour, je m’appelle BatVador et j’ai possiblement développé une relation très légèrement toxique avec Uncle Chop's Rocket Shop, mais j’ai passé un bon moment, est-ce que ça ne suffit pas ? Admettre que j’ai un problème ? Non merci, je vais bien, je vous dis, mais puisque vous me cassez les pieds, retraçons ensemble ce qui m’a menée jusqu’ici.
Aujourd'hui, je meurs et demain… aussi
C’était un vendredi, je m’en rappelle bien, un MP succinct, une clé Steam et un nom curieux, Uncle Chop's Rocket Shop. Sans me douter de rien, vous commencez à savoir que j’oublie systématiquement de quoi causent les jeux que je demande, j’entre la clé et je lance le jeu et… OK et j’ai failli le refermer au bout d’une heure en insultant ses grands morts, tous les Dieux de tous les panthéons actifs et inactifs et les ancêtres et la descendance des développeurs pour faire bonne mesure. La faute à parts égales à mon ego et une interface pas très maniable. Je m’explique, le jeu possède deux modes, un mode chronométré qui semble être le mode « normal » et un mode qui limite le nombre de tâches à trois par jour. J’ai choisi le mode chronométré puis j’ai totalement oublié qu’il existait un autre mode. Question interface, si vous avez joué à Papers, Please ou des jeux similaires, vous allez vite comprendre mon problème avec l’interface. La surface sur laquelle on pose les objets est limitée et on joue à Tetris en déplaçant par inadvertance des objets, la poubelle s’ouvre en bloquant l’accès à certains modules et on passe sa vie à ouvrir et refermer le plateau à outils. En plus de tout ça, il faut jongler avec les pages du grimoire qui contient toutes les procédures de réparation qui se met en dessous des objets, s’ouvre en grand par-dessus et se met parfois n’importe où. Cette référence à Papers, Please n’est pas tout à fait anodine d’ailleurs, puisqu’on y retrouve la structure de tâches à effectuer pour payer un loyer et éviter de mourir. Ici, pas de dictature cependant, juste le capitalisme.
Après donc un certain nombre d’essais, quelques insultes colorées et échecs cuisants, j’ai commencé à prendre le coup de main. Faire le plein de carburant ? Facile. Changer les phares ? Easy… une fois que j’ai eu pris la peine de lire la petite ligne qui indiquait qu’il ne fallait mettre de l’antigel que dans le phare du bas. Le recycleur et ses escargots mi-mignons, mi-terrifiants ? Il n’a plus aucun secret pour moi. Le module idioties ? Non bon là ça va bien cinq minutes, je jette l'éponge. Parce qu’en dehors de ma visible inaptitude et de mon léger trouble de l’attention qui fait que je ne suis pas aussi attentive qu’il le faudrait quand je lis des consignes, le jeu met peut-être un tout petit peu trop de diversité dans ses modules. Notamment ce jeu de plateforme du module idioties, donc, pourtant probablement très facile, mais dont je n’arrive à compléter qu’un niveau sur les trois, et ce module VR avec ses environnements qui font penser à des économiseurs d’écran de Windows 98 ni très intéressants ni très maniables. Et je ne parle pas des tâches fatales qu’il faut réaliser dans un temps limité et correctement sous peine de, ben, mourir, que j’ai juste décidé de laisser de côté.
Mais bref, au bout d’un moment, je ne faisais qu’un avec Wilbur, ce bizarre homme-renard coincé dans une station-service moche au fin fond d’une galaxie quelconque à devoir réparer des vaisseaux spatiaux pour des clients plus ou moins désagréables. J’ai vite compris et apprécié cette histoire de boucle temporelle qui justifie le côté roguelite du jeu. J’ai gloussé en constatant que l’univers de Wilbur fait très bien usage de ce gimmick en changeant les dialogues selon que c’est la première, la deuxième ou la quinzième fois que l’on fait quelque chose. J’ai vite compris qu’il y avait des quêtes secondaires qui permettent de mieux comprendre l’univers dans lequel on évolue et probablement de mourir bêtement parce que c’est souvent comme ça que ça se finit. Une bombe explose, t’es mort, tu n’as pas le loyer, t’es mort, tu as servi le mauvais client, t’es mort, tu as échoué à un test… c'est possible que tu meures aussi. Bref, la version à laquelle j’ai joué n’était pas entièrement terminée et certaines quêtes secondaires n’avaient pas l’air disponibles, je me suis donc concentrée sur la fin de l’histoire principale et c’est probablement une erreur. En effet, c'est dans ses différentes quêtes secondaires, améliorations, secrets, le fait que mourir encore et encore et encore permette de découvrir différents clients, différentes lignes de dialogues et des améliorations permanentes qui rendent les débuts de partie beaucoup plus faciles, qu'Uncle Chop's Rocket Shop se démarque. Il développe un univers bizarre, étrange et drôle tout en nous apprenant une notion essentielle pour survivre au capitalisme : on ne fait aucun travail avant d’avoir pointé, on ne va pas bosser gratuitement non plus.
Obsession répétitive
Mais vous entends-je dire, BatVador, à part une légère obsession de ta part qui fait visiblement partie de ta nature et ton ego mal placé qui t’a empêchée trop longtemps d’opter pour le mode de jeu non chronométré, où est la toxicité de cette relation ? Ou plutôt est-ce que ce n'est pas juste toi qui as un problème ? Déjà, j’ai beau savoir que vous n’êtes que des voix dans ma tête, je vous trouve bien gonflées et ensuite si j’admets mes torts, Uncle Chop's Rocket Shop en a aussi.
Outre l’interface pas franchement maniable dont je parlais plus tôt, je reproche également au jeu d’être à mon sens parfois un peu injuste, ou plutôt de mettre à disposition tellement d’infos dès le début qu’il est difficile de savoir ce dont on va avoir besoin au fur et à mesure. Les modules nécessaires ne sont pas toujours indiqués (c’est possiblement dû à la version prélancement que j’avais). À moins d’avoir potassé le grimoire en avance, on ne sait pas de quelles machines on aura besoin pour les tests et c’est un peu rageant d’avoir passé entre une demi-heure et deux heures sur une partie pour échouer parce qu’on n’a pas la machine nécessaire (ou pas les fonds pour s’en faire prêter une). Je comprends bien que le roguelite implique de mourir et recommencer, mais je préférerais échouer parce que je suis nulle plutôt que parce que le jeu n’était pas assez clair sur ses attentes (ce qui rejoint la réflexion que Shift faisait sur les platformers masocores). D’autant que s’il y a plein de choses à découvrir, à la longue les tâches sont un peu répétitives, surtout si on enchaîne les parties. Au bout d’un moment, j'en avais marre de repayer inlassablement le premier loyer et de changer des phares et de refaire le premier test que je pourrais quasiment faire les yeux fermés. L’autre point qui rejoint celui-ci, c’est que, surtout si l’on joue en non chronométré, les parties sont un peu longues (en moyenne 1h30-2h) et on se prend à être frileux·se à l’idée de mourir juste pour tester un truc.
Je pense qu’une fois les bases acquises, c'est un jeu qui s’explore petit à petit, une ou deux parties à la fois de temps en temps, pas comme je l’ai fait en souhaitant arriver à la fin, parce que j’ai failli ne pas tenter les quêtes secondaires (et il y en avait au moins une de disponible quand j’y ai joué) et ça aurait été dommage.
Je tiens aussi à signaler quelques bugs dans la version prélancement, dont des composants qu’on n’arrive pas à saisir et des lignes manquantes dans la version française du second test (le jour du troisième loyer). C’est possible que ça soit réparé à la sortie, mais n’hésitez pas à relancer la journée pour éviter une tâche précise ou à passer temporairement le jeu en anglais si vous maîtrisez la langue et avez l’impression qu’il manque quelque chose. Du reste, la version française est de très bonne qualité.
Uncle Chop's Rocket Shop a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Malgré possiblement un peu trop de choses dans un même jeu, une interface moyennement pratique et ce que je vais qualifier d’un manque d’intuitivité, Uncle Chop's Rocket Shop propose un monde original et drôle qui regorge de petits secrets. Il faut toutefois aimer les tâches répétitives, les environnements qui rappellent l’écrasante réalité du capitalisme et accepter d’être au départ un peu noyé par toutes les informations disponibles… et de mourir. En tapant ces lignes, je me demande si au fond, ce n'est pas ça la version masocore des Papers, Please like… (ou peut-être que je ne suis pas douée). Et dire que je me permets de juger quand je vois ce que Shift adore comme jeux. Bref bonjour, je m’appelle BatVador, j’ai un problème, mon problème, c'est que j’attends que la version finale sorte et d’avoir le temps de m’y remettre et je n’ai aucun regret.
Les + | Les - |
- Univers original et drôle | - Une interface pas super maniable |
- Une grande diversité des types de tâches | - qui se révèle parfois un peu excessive |
- Une bonne utilisation narrative du concept de roguelite | - mais des runs un peu longues et un peu répétitives |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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