Développé en grande partie par une seule personne et édité par Wired Productions, The Falconeer était un des jeux indé les plus scrutés de cette fin d’année, avec ses promesses de gunfights aériens à dos de faucons géants dans un monde ouvert. Vous vous dites peut-être que ça fait beaucoup pour un seul homme ? Moi aussi. Mais The Falconeer ne manque pas pour autant de bonnes surprises, ni d’originalité.
J’ai, de manière générale, une fascination-répulsion pour les jeux en monde ouvert. Je ressens le besoin de tous les faire et de tous les découvrir, avant de rapidement tomber d’ennui devant une montagne d’objets à collecter et de quêtes annexes insipides. À l’exception de la série Yakuza (qui n’a de monde ouvert que l’aspect, tant tout se déroule en milieu étroit), je finis toujours par trouver que le genre est devenu une parodie de lui-même, où la plupart des développeurs se contentent de décliner une recette mélangeant vaguement The Witcher, Assassin’s Creed et GTA. Aussi, quand des jeux se proposent de réinventer le style, je me dois de ne pas faire la fine bouche. Je ne sais toujours pas, par exemple, si j’ai aimé ou détesté Death Stranding, et c’est sans doute un peu des deux, mais je ne peux qu’admirer le fait que Kojima Productions ait livré quelque chose d’aussi unique qu’un open world original. C’est donc dans cette optique d’un monde ouvert différent que j’ai abordé The Falconeer, et apprécié nombre de ses aspects… Tout en étant tout de même fort réservé sur le résultat final.
Faucon Parle
La promesse d’un jeu massivement tourné vers des gunfights aériens ne se prête pas forcément beaucoup au développement d’un background complexe et d’une scénarisation poussée, avec tout le respect que je dois à la série Ace Combat. Pourtant, c’est plutôt l’approche retenue par The Falconeer, qui nous place dans les traces d’un mercenaire déchu dans une contrée maritime reculée aux accents de fantasy steampunk : les différents pays sont des archipels à la géopolitique complexe, reliés entre eux par des dirigeables, des forteresses volantes, des navires… Et de gigantesques faucons de combat, dont les fauconniers vivent une existence des plus dangereuses, à naviguer entre les orages et les flibustiers des airs.
L’univers de The Falconeer, servi par une direction artistique en low poly très plaisante et dotée de quelques panoramas impressionnants, plaira aux amateurs de grandes sagas de fantasy aérienne, de Last Exile à la Passe-miroir de Christelle Dabos. Par moments, le fait d’incarner un simple mercenaire basculé entre les factions et les bouleversements politiques n’est pas non plus sans évoquer la Compagnie noire de Glenn Cook (avec plus d’oiseaux) ou le Skies of Arcadia d’Overworks. En résulte un jeu étrangement bavard, d’ailleurs doté d’une excellente version française, qui s’évertue à bien contextualiser l’enjeu de chaque affrontement, dont on incarne par ailleurs un quasi NPC qui n’est qu’un pion dans toute cette grande mécanique guerrière.
Cependant, l’intrigue se déroulant dans un monde ouvert, elle n’avance que quand on choisit véritablement de se concentrer sur les missions principales, ce que je recommande fortement de faire. The Falconeer a beau pousser le joueur à explorer son grand monde marin, il en résulte immédiatement une grande baisse de rythme où on réalise rapidement qu’en s’écartant de la très dense trame principale, on se retrouve vite dans un univers assez vide et mou où il n’y a somme toute pas grand-chose à voir. On n’atteint pas les extrêmes d’un No More Heroes avec son monde entièrement vide, mais l’impression d’absence totale de densité hors du scénario principal peut perturber. Je n’ai d’ailleurs pas pu m’empêcher de penser que The Falconeer, par les grands talents d’écriture qu’il déploie et la faible présence de la narration environnementale passé quelques découvertes de paysages spectaculaires, aurait fait un excellent roman de fantasy. Le problème, c’est que The Falconeer, sorti de ce qu’il raconte, essaye avant tout d’être un jeu, et que ce jeu est tout sauf parfait.
Bâiller aux corneilles
En dehors des moments de pure narration, The Falconeer se divise en deux temps : ceux où vous volez pour rejoindre une destination sous un prétexte quelconque, et ceux où vous devez vous battre contre d’autres fauconniers, des bateaux, des dirigeables ou toute autre nuisance. La partie gunfight est somme toute assez modeste, mais pour un jeu développé par une équipe aussi réduite, ça fait le job très correctement, même si ça manque cruellement de variété. En gros, comme dans tout bon jeu de pirouettes aériennes, il est question de parvenir à se coller derrière ou au-dessus de ses adversaires, et de tirer dessus avec un canon dorsal ou des bombes jusqu’à ce qu’ils explosent.
La subtilité, car il y en a une qui donne tout son sel aux affrontements, vient de la manière de recharger ses munitions et sa capacité à accélérer, deux conditions sine qua non pour survivre aux combats. Pour la capacité d’accélération et de manœuvre du faucon, elle se recharge en plongeant, ce qui conduit à devoir faire en continu varier son altitude et donne aux affrontements un joli côté de ballet aérien (qui manque malheureusement souvent cruellement de précision). Les munitions, elles, se rechargent en traversant des orages qui viennent charger des batteries de tir. Si cette mécanique n’a pas d’intérêt ludique particulier (vous rentrez dans l’orage et pouf ça charge votre batterie), elle force à compter ses tirs et à économiser ses munitions, et se substitue en quelque sorte à la gestion du carburant, qui serait un étrange paramètre pour un vol à dos d’oiseau.
Si ces affrontements sont loin d’être parfaits, ils ne constituent pas le principal défaut de The Falconeer, dont j’ai déjà un peu parlé en évoquant le côté très vide de l’open world : on s’y ennuie quand même pas mal. Que de temps passé à juste rejoindre des points divers de la carte, à enchaîner les missions de collecte et d’escorte ou juste d’exploration poussive de recoins reculés de l’univers de jeu ! Même avec les voyages rapides qui se débloquent assez rapidement, The Falconeer vous fera passer un temps assez long et fastidieux à ne rien faire d’autre que d’aller tout droit, entouré de nuages et d’eau à perte de vue, pour vous récompenser par un combat aérien de quelques minutes, avant de vous renvoyer à la base. C’est un jeu idéal si vous aimez écouter un podcast long format avec un fond d’écran d’oiseau en low-poly qui parcourt de longues distances, mais ludiquement parlant, c’est quand même un peu âpre.
The Falconeer a été testé sur PC, via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur Xbox Series et Xbox One.
Je ne peux pas à la fois reprocher aux mondes ouverts vidéoludiques de tous se ressembler et ne pas louer les efforts très importants effectués par The Falconeer pour sortir du lot. Le jeu de Tomas Sala est une tentative plutôt réussie de renouveler le concept, ainsi qu’un jeu de duels aériens plus que cohérent. Cependant, The Falconeer est aussi un jeu qui vous réserve pas mal de moments un peu mous, voire ennuyeux, et on en vient à penser que le jeu vidéo n’était peut-être pas le support idéal pour raconter cette histoire. Je serai cependant très content de voir une version améliorée de ce titre, voire un second épisode qui corrigerait ces quelques défauts et étendrait encore cet univers riche et bigrement bien pensé.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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