Après le très sympathique Röki qui explorait la mythologie scandinave, Polygone Treehouse propose de copiner avec des dieux grecs sur une île paradisiaque ou presque.
Je n’ai pas envie d’écrire cette critique, je vous le dis comme je le pense là maintenant en ce dimanche morne, assise devant mon ordinateur. Ce n’est pas que j’ai la flemme, même pas. Non, c'est que je n’ai pas envie de faire des reproches à Mythwrecked: Ambrosia Island, parce que j’aime l’idée sur le papier, parce que je vois bien le travail et la bonne volonté derrière, parce que je n’ai pas non plus passé un mauvais moment. Mais je dois aussi l’admettre, je me suis un peu ennuyée tout du long de cette aventure dont j’attendais un petit peu plus. Pas tellement plus, parce que je n’ai pas joué au précédent jeu de Polygon Treehouse que Jok avait bien aimé à sa sortie et que je n’avais même pas regardé le trailer de Mythwrecked: Ambrosia Island, mais quand même un peu plus.
Deus ex mécanique
Bref. Comme pour Röki, leur précédent jeu, Polygon Treehouse nous fait rencontrer un panthéon de dieux, cette fois celui des dieux grecs. Naufragée sur une île de sable, de ruines et de buissons fruitiers, Alex cherche à rentrer chez elle. Une rencontre avec une statue qui parle et avec un personnage curieux, dans mon cas, c'était un adorable monsieur bedonnant avec des ailes et un bandeau de tennisman, fait un peu dérailler sa quête qu’elle met de côté pour aider ces gentils personnages un peu loufoques. Comme Alex est une bonne personne et j’aime à penser que je le suis aussi, au moins un peu, on se prend au jeu et on se retrouve à courir d’un bout à l’autre de l’île pour nourrir des goélands, remettre le courant, activer des bornes et des fontaines, etc. Chaque entité rencontrée nous file une quête du genre, puis la tâche de retrouver des objets qu’elle a perdus à l’aide d’un smartphone radar. Chaque quête effectuée et chaque souvenir retrouvé vont permettre d’atteindre un nouveau palier d’amitié avec l’entité en question, de débloquer ses souvenirs et de comprendre ce qui est arrivé sur l’île. Et c’est là mon premier contentieux avec le jeu, comme cette jauge d’amitié qui augmente artificiellement à chaque étape de la quête validée : tout dans Mythwrecked a l’air un peu mécanique. Il n’y a aucun choix de dialogue à faire, on ne peut pas refuser de faire une quête ni de la finir, la seule variable, c'est la vitesse avec laquelle on l’accomplit, ce qui ne change rien à l'histoire.
Cet aspect mécanique et non organique se retrouve dans l’environnement même. À part les cailloux, la mer et les geckos, quasiment aucun objet n’est là juste pour habiller le décor, un foyer pour un feu ? Il y a probablement un objet en dessous, une pile de tonneaux ? Pareil. Une dalle de pierre renfoncée cache sans doute un objet ou un passage secret. Seuls les bernard-l’hermite et les geckos ont l’air d’avoir le luxe d’être là juste pour mettre de l’animation, sinon tout est statique et utilitaire. Ce n’est pas que ce n’est pas joli, c’est très soigné, mais terriblement figé et finalement assez vide.
J’ai donc eu l’impression de courir et de faire des trucs sur l’île, juste pour remplir une jauge et arriver à la fin. Même les objets que l’on peut trouver pour décorer le phare qui nous sert de QG (où on a presque zéro bonne raison d’aller) ne nous laissent pas le loisir de les agencer comme on le souhaite. C’est seulement une récompense visuelle. Le cycle jour nuit et les horaires de disponibilité des personnages n’a pas vraiment d’importance puisqu’une fois le premier palier d’amitié atteint, on peut rentrer chez eux et les solliciter à n’importe quelle heure. J’ajoute à ça le fait de devoir sauvegarder manuellement alors qu’il n’y a pas d’embranchement dans l’histoire, les déplacements au clavier pas très fluides (le jeu recommande de jouer avec une manette, mais il se trouve que si je joue sur PC, c’est justement pour ne pas avoir à faire ça), des changements d’angles de caméra constants qui rendent les déplacements un peu confus et les mini-temps de chargement entre chaque partie de la carte. Tout ça finit de rendre l'ensemble un peu fatigant. Mais, j’étais prête à pardonner absolument tout ça en échange d’une écriture éblouissante ou d’une revisite absolument loufoque ou originale du panthéon des dieux grecs. Hélas, sur ce point-là, j’ai été aussi un peu déçue.
Dieujà vu
Ce n’est pas mal écrit, le design des dieux est sympathique et intéressant, mais tout est terriblement sage et plein de bons sentiments et c’est sans doute là que ça coince à mon sens. Déjà parce que si la mythologie scandinave est un peu moins connue, ce n’est pas le cas de la mythologie grecque. L’écriture de Mythwrecked serait peut-être suffisante pour aborder un panthéon très mal connu avec des personnages variés et faillibles qui au fond ne veulent qu’aider l’humanité, mais la dernière fois que j’ai vérifié, la mythologie grecque, c'est plutôt des dieux qui font s’entretuer des humains pour le fun, des agressions sexuelles, de la jalousie, des meurtres, des concours de beauté qui finissent mal, des gens changés en pierre… Rien de sage ni de gentil donc et prendre ça en compte ça n’aurait pas empêché d’écrire des personnages intéressants et complexes (même en enlevant éventuellement l’aspect agressions sexuelles/inceste parce que c’est casse-gueule et on ne va peut-être pas se sentir en empathie avec des violeurs non plus) et terriblement humains. Et cette aventure d’une grande gentillesse m’a fait un peu l’effet d’un livre de contes édulcorés qu’on ouvrirait après avoir lu les contes des frères Grimm par exemple.
En jouant, j'ai aussi eu l'impression que l'histoire aurait très bien pu être racontée avec un panthéon inventé ou n'importe quel autre panthéon antique et j'ai trouvé ça dommage au fond. La mythologie grecque est un sujet surutilisé. Elle sert de décor facile pour éviter de construire un monde, elle est vidée de tout contexte culturel pour en faire un produit de consommation courante et en 2024, la promesse d'un jeu dans ce type d'environnement nous fait espérer quelque chose de neuf ou d'original ou au moins pas une énième vision édulcorée et un peu whitewashed. Ce n'est pas grave de raconter une histoire à portée universelle, mais le faire dans un décor aussi utilisé sans faire un réel usage de ses spécificités ou explorer la culture dont il est issu ou encore le changement dans les représentations au fil du temps, c'est un peu dommage et malheureusement déjà vu. Peut-être qu’au fond, Mythwrecked m'a fait réaliser que j’en ai un peu marre du feelgood et du chill sans profondeur, même si le monde est nul et que parfois, j'ai envie d’un cocon agréable, j’ai aussi envie qu’on me raconte des histoires avec des personnages complexes. Contrairement à J.J. Goldman (qui dit vraiment beaucoup de conneries) qui se plaignait que tout soit décoloré et coincé dans des nuances de gris fades moi, je crois que je voudrais plus de nuances de gris (non pas toi 50 Shades) dans mes histoires.
Mythwrecked: Ambrosia Island a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Xbox One et Series S|X et Nintendo Switch.
Pour en revenir à Mythwrecked: Ambrosia Island, si vous avez envie d’une petite dizaine d’heures de vacances sur une île paradisiaque avec des personnages au design sympathique (et si Héphaïstos veut aller prendre un verre, c'est quand il veut) et une histoire feelgood, foncez. Il ne faut juste pas attendre beaucoup plus que ça (et jouer à la manette). Si j’ai l’air sévère, c'est que je crois qu’il n’aurait pas fallu grand-chose pour qu’il ait ce petit plus qui m’aurait fait sauter de joie. En ce qui me concerne, je vais quand même aller jouer à Röki et je redonnerai sa chance à Polygone Treehouse pour son prochain titre.
Les + | Les - |
- Chouette design des Dieux | - Aucune agentivité tout au long de l'histoire |
- Très chill et feelgood | - Environnement très statique et vide |
- DA très soignée | - L'aspect très artificiel des interactions |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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