Jeu d'horreur épisodique épousant l'esthétique des ordinateurs du début des années 80, Faith: The Unholy Trinity entend vous faire frissonner avec trois bouts de pixels. Et il y parvient à merveille.
Il ne s'agit pas tout à fait d'un projet récent : Faith: The Unholy Trinity est à l'origine un court jeu horrifique amateur développé en 2017 par Airdorf Games et auto-publié sur itch.io. Après avoir attiré l'attention de la presse et des influenceurs, le jeu se voit doté d'un second chapitre en 2019. La série se forge une solide communauté, permettant à ses auteurs de signer avec New Blood, éditeur spécialisé dans les expériences horrifiques rétro. Faith: The Unholy Trinity se présente sous la forme d'une compilation des deux premiers chapitres complétés par un troisième épisode conclusif venant mettre un point final aux aventures des prêtres exorcistes Ward et Garcia. Une plongée abyssale au cœur de la Satanic Panic, cette psychose collective ayant convaincu des millions d'Américains dans les années 80 que des rituels sataniques secrets menaçaient les enfants du pays à coups de hard rock, de Donjons & Dragons et de jeux vidéo.
Atari 2666
Faith: The Unholy Trinity vous laisse le choix : jouer chaque chapitre individuellement ou vous lancer dans toute l'aventure d'un seul trait, ce qui est une excellente initiative pour celleux qui auraient déjà rincé les deux premières parties sur itch. Pour les autres, sachez que nous y incarnons le jeune prêtre exorciste John Ward, appelé en septembre 1987 à se pencher sur le cas de possession démoniaque d'une jeune fille recluse dans une maison au fond des bois. Le premier événement d'une série qui va conduire le Père Ward et son mentor le Père Garcia aux confins de la folie et de la mort, quand il va s'avérer que ce « simple » cas de possession cache en réalité une série d'atroces secrets.
Conçus comme une trilogie sanglante, les trois chapitres ne sont pas tout à fait d'égale qualité, avec un premier épisode un peu plus faible qui trahit un peu sa nature de brouillon des deux suivants. Cependant, pris comme un tout, Faith: The Unholy Trinity est un des plus beaux hommages rendus par le jeu vidéo au cinéma horrifique américain des années 70 et 80. Amityville, Hellraiser et bien entendu L'Exorciste sont ici convoqués, ce qui, on ne va pas se mentir, change un peu des habituels Lovecrafteries vidéoludiques et autres drames psychologiques familiaux. On baigne ici dans une horreur plus baroque, quelque part entre Southern Gothic et Americana déglinguée. Une horreur sans concession où la mort, la malédiction et la possession sont omniprésentes. Plus d'une fois par chapitre, Ward connaîtra un destin sombre et cruel, sanctionné par un synthétique « MORTIS » ahané par le moteur sonore grésillant du jeu.
L'ambiance, exceptionnelle pour un jeu de cet acabit, est en grande partie due aux choix esthétiques particulièrement tranchés effectués par Airdorf Games : simuler quasiment sans modification (sinon la résolution d'écran) la trame visuelle et sonore d'un jeu du début des années 80. À très peu de choses près, Faith: The Unholy Trinity aurait pu sortir dans le même état, sur Atari 2600 en 1982. Musiques minimalistes à quatre notes, synthétiseurs vocaux impersonnels et robotiques, effets sonores grésillants, bouillie de pixels pour figurer le sang et les monstres… Tout est diablement efficace pour esquisser une horreur rétrograde et une ambiance des plus sinistres. Seule trace de modernité venant s'ajuster à merveille à la trame visuelle glauque à souhait : des scènes cinématiques venant ponctuer les moments clés de l'aventure. Jouées par des acteurs filmés en rotoscopie et redessinés dans des teintes rougeâtres angoissantes, ces séquences figurent tantôt des rêves fiévreux, tantôt des apparitions d'épouvante et font mouche à chaque fois. Bref, Faith: The Unholy Trinity est une réussite scénaristique et esthétique incontestable. C'est dans son aspect purement ludique, cependant, que sa démarche audacieuse pourra rebuter.
Pixel d'exorcisme
Faith: The Unholy Trinity est un jeu formellement difficile à définir, quelque part entre jeu d'aventure, puzzle game, jeu d'exploration et jeu d'action. Concrètement, le pauvre Père Ward ne peut strictement rien faire d'autre que de se déplacer pour explorer, lire des messages laissés par de malheureuses victimes sur les lieux visités et brandir un crucifix. Ce dernier vous permettra tour à tour d'exorciser des lieux et des objets pour en révéler les secrets et de repousser, voire de vaincre les diverses apparitions que vous croiserez. Quatre directions et un simple bouton d'action : on est bien dans un jeu aussi rétro que possible.
De ce gameplay simplissime, le jeu fait une soupe tout de même parfois un peu indigeste, tant il fait une confiance absolue (presque aveugle) à la personne derrière le clavier pour comprendre ce qu'il faut faire pour progresser. Il est vrai que l'on a perdu l'habitude en 2022 de se retrouver face à des portes fermées sans quasi aucun indice, face à des monstres visiblement invincibles ou encore face à des maps dans lesquelles quasiment aucune indication n'est fournie quant à la manière de s'y orienter. La plupart du temps, Faith: The Unholy Trinity vous balance dans un lieu avec un minimum de contexte, et vous laisse vous creuser les méninges sans vous apporter aucune aide, si ce n'est des indices souvent cryptiques révélés par des messages plus ou moins bien cachés dans les décors.
Ce n'est pas à proprement parler un défaut, et cela a même contribué au culte autour du jeu, dont les fans ont passé des années à décortiquer chaque détail et à élaborer de minutieuses théories sur le devenir de tel ou tel personnage. Chaque chapitre peut formellement se boucler en quelques minutes pour peu qu'on sache quoi y faire, mais révèle des dizaines de secrets pour qui sait chercher. Ou pour qui choisit de faire le jeu avec un Wiki sur les genoux (on ne vous juge absolument pas). Les trois aventures proposées par Faith: The Unholy Trinity ont une replay value conséquente si l'on parvient à se passionner assez pour vouloir débloquer tous les secrets et toutes les fins proposées, certaines étant particulièrement cryptiques et retorses.
Tout a d'ailleurs été fait pour vous pousser à vous y replonger encore et encore, chaque chapitre ayant été complété par des « modes bonus » changeant quelques paramètres et modulant la difficulté. Mais le côté extrêmement cryptique de certaines énigmes et la courbe de difficulté assez raide de certaines séquences pourraient tout aussi bien être un frein susceptible de vous décourager. Difficile cependant de reprocher à un simili-jeu Atari 2600 où l'on incarne un exorciste en train de basculer dans la démence sur fond de rite démoniaque son côté un peu niché.
Faith: The Unholy Trinity a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Absolument terrifiant pour peu qu'on adhère à son esthétique ultra-minimaliste, Faith: The Unholy Trinity compile et conclut les différents chapitres d'un des jeux d'horreur indés les plus ambitieux de ces dix dernières années. Son côté éminemment cryptique et le côté trop abrupt de certaines de ses énigmes et de ses combats en font une expérience profondément marginale, mais les deux chapitres parus en 2017 et 2019 se sont déjà bâti une solide réputation. Pas sûr que cette version définitive parvienne à prêcher davantage que des convertis, mais puisqu'ils sont déjà si nombreux, on ne se fait guère de souci pour l'avenir du studio Airdorf Games.
Les + | Les - |
- Scénario captivant | - Parfois trop cryptique |
- L'esthétique Atari 2600 qui fait mouche | - Quelques énigmes tirées par les cheveux |
- Sound design admirable | |
- Des tonnes de secrets à dénicher |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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