Outer Wilds a été révélé au public en mars 2018 via un trailer déjà très intrigant. On nous promettait que le jeu de Mobius Digital, édité par Annapurna Interactive, nous emmènerait dans un système planétaire rempli de mystères, entièrement construit à la main et proposant un twist alléchant : toutes les 22 minutes, l’univers allait redémarrer. Avec ce trailer publié un peu plus d’un an avant la sortie du jeu, et bien qu’intéressant, on était loin de se douter que Outer Wilds finirait dans les GOTY d’une bonne partie de la rédaction de The Pixel Post.
Veltar
Rares sont les jeux qui ont été capables de me transmettre autant de choses comme l’a fait Outer Wilds. Plus de 6 mois ont passé et l’évoquer reste toujours aussi étrange. Mais désormais, c’est avec un certain recul que je l’aborde. Et je comprends maintenant peut-être un peu mieux pourquoi il m’a autant marqué. Car derrière ses qualités objectives, il a su retrouver en moi l’enfant qui rêvait d’archéologie, de découvertes et d’exploration.
D’autant qu’il a tout balayé. Les AAA gigantesques, avec leurs open-worlds toujours plus vastes. Les jeux d’enquêtes et d’énigmes usant avec habileté du gameplay. Les walking simulators à la narration fouillée et au scénario aiguisé. Tous ont été battus. Et par quoi ? Un modeste AA. Un jeu qui prône l’exploration spatiale mais n’offre que quelques objets stellaires à visiter dans un unique système planétaire fermé. Une aventure aux dialogues minimes et à la narration muette. Une quête sans direction, sans vraie ambition.
Ces éléments sont bien sûr devenus ses plus grandes forces. Les limites de l’open-world n’ont fait qu’accentuer mon admiration pour chaque petit détail disséminé aux quatre coins des planètes, astéroïdes et satellites. Les rares dialogues une fois la planète natale quittée deviennent cruciaux, puisque unique moyen à mes yeux de rompre avec la solitude de la mission dans laquelle le jeu m’a engagé. Enfin, l’absence d’objectif défini au départ m’a permis de vivre Outer Wilds tel que moi, j’avais envie de le vivre. De le découvrir maladroitement, avec souvent de l’admiration, parfois du stress, mais toujours avec une intense curiosité. Cette exploration s’est faite à mon rythme, avec bien sûr pour seul obstacle les fameuses 22 minutes.
Alors oui, je me suis revu enfant. Je me suis revu avide de savoirs sur les mystères entourant les impressionnantes pyramides égyptiennes et les richesses que certains tombeaux renfermaient. Je me suis revu intrigué par les ruines des cités pré-colombiennes comme par la capacité de ces populations à analyser les corps célestes. Je me suis revu obnubilé par la transmission des écrits et des savoirs à travers les âges, et leurs découvertes par des populations totalement différentes de celles dont ils émanaient.
Outer Wilds est finalement bien plus qu’un jeu d’exploration spatiale. C’est un jeu d’exploration tout court. Au sens le plus pur du terme. L’exploration est physique, dans l’espace, sur les planètes et autres objets stellaires. Elle est narrative, en recherchant les raisons de la boucle temporelle et, forcément en fouillant le passé passionnant des Nomaï. Et elle est enfin psychologique. Dans le jeu ça se traduit par des questionnements autour justement des mystères entourant la race des Nomaï, sur la signification de leurs écrits, de leurs travaux et des grandes constructions qu’ils ont laissées. Hors du jeu, ça s’est traduit, pour moi, par explorer les raisons qui m’ont poussé à tant apprécier Outer Wilds et, plus généralement, ce qui a pu le rendre si spécial. J’ai donc désormais ma réponse.
En permettant un tel niveau d’implication personnelle dans un jeu qui propose une aventure spatiale libérée, au ton souvent mélancolique, avec une excellente narration environnementale et une belle qualité d’écriture, Outer Wilds se hisse aisément à la place de GOTY ultime pour mon année 2019. Il réussit par la même occasion à s’inscrire sans conteste parmi les meilleurs jeux auxquels j’ai pu jouer.
Noodles
Je rejoins entièrement Veltar et son analyse sur le sentiment d’exploration pure qui émane de Outer Wilds. Jamais dans un jeu vidéo je ne me suis senti aussi en liberté d’aller où bon me semble tout en ne sachant aucunement ce que j’y trouverais. Et c’est sur ce point que je vais m’étaler car, personnellement, c’est là que j’ai pu ressentir toute la force du titre de Mobius Digital.
A travers les âges qu’a connu notre planète, les hommes n’ont cessé d’explorer chaque recoin de notre monde, avec ce sentiment constant de plongée dans l’inconnu et sans vraiment savoir ce qu’ils y trouveraient. Cela peut-être très effrayant, lorsqu’on imagine cela.
Eh bien c’est ce que j’ai ressenti tout au long de mes premiers pas dans Outer Wilds. De la peur, du stress, de l’appréhension lorsque j’allais me poser sur une nouvelle planète que je n’avais pas encore exploré. Si une petite partie de cette peur était due au gameplay plus que douteux du vaisseau et au fait que je n’étais jamais vraiment sûr que j’allais réussir un atterrissage, le reste venait simplement du fait que je n’avais aucune idée de ce que j’allais pouvoir découvrir sur cette nouvelle planète.
Je vais comparer ce sentiment avec mon expérience sur Subnautica. A chaque nouveau palier de ma partie qui me permettait d’aller explorer de nouvelles profondeurs, je m’y engageais avec cette boule au ventre qui me faisait me dire « Oulala y a quoi encore comme saloperie qui va surgir des abysses pour venir me croquer ?! » Sur Outer Wilds c’était la même chose : quelle bizarrerie géologique, physique ou biologique allais-je encore rencontrer ? Et, souvent, mes découvertes donnaient raison à mes peurs… Tornades gigantesques qui nous renvoient dans l’espace, cavernes profondes qui se remplissent petit à petit de sable et, pinacle de l’horreur, Cravité et son trou noir menaçant situé au centre de la planète qui, au moindre pas de travers, nous aspire sans pitié et nous envoie à l’autre bout du système. Je frissonne encore lorsque je repense à ma première rencontre avec cette chose…
C’est donc cela Outer Wilds, un stress de tous les instants, inhérent finalement à l’exploration, qui nous renvoie à notre peur absolue de l’inconnu. En nous en disant très peu à chaque fois sur les endroits que l’on doit visiter, le jeu nous transmet avec brio un certain malaise dès qu’on fait décoller notre vaisseau de notre planète natale à chaque nouvelle boucle temporelle. Ce sentiment s’estompe finalement petit à petit, à mesure que l’on explore et découvre les mystères du système planétaire. A mesure qu’on se l’approprie. Il se transforme alors en un gigantesque mécanisme complexe, dont chaque rouage est relié l’un à l’autre à travers l’histoire des Nomaï. Il nous appartient alors de découvrir comment il fonctionne et pourquoi il fonctionne comme cela. J’oserais alors dire que le jeu se découpe en deux parties : une partie exploration pure puis une partie appropriation et compréhension de ses mécaniques. Un apprentissage brillamment construit par les équipes de Mobius. Et je terminerai sans transition en disant que la BO du jeu est absolument fantastique elle aussi.
Bigby
Quelques semaines avant sa sortie, au mois de mai dernier, notre cher Noodles nous a fait part de son intérêt pour le jeu, ce qui m’a poussé à m’y intéresser de plus près. Tiens donc, Outer Wilds pourrait-il bien être un Firewatch spatial ? Quelques jours après sa sortie, encore plongé dans l’anonymat, je me lance aveuglément dans l’aventure et, une fois l’introduction achevée, celle-ci formule une réponse à mon interrogation : il existe bien une corrélation entre Firewatch et Outer Wilds, à la différence près que l’on troque les étendues de forêt du Wyoming pour un système solaire et notre radio pour un détecteur d’ondes sonores accompagné d’un traducteur portatif. Et puis vient le moment du premier grand saut, muni de ma combinaison spatiale et aux commandes d’un vaisseau fait de quelques bouts de ficelles, pour une enquête dont je ne me remettrai sans doute jamais vraiment. Outer Wilds a tant à offrir.
Par où commencer… Je pense que je n’aurai jamais assez de temps ni de place pour rendre hommage à la générosité du titre, d’autant qu’il s’agit d’un jeu bien plus enclin à être éprouvé que raconté. Avec du recul, je crois que je retiendrai tous ces états, sans précédent pour certains, par lesquels je suis passé en aussi peu de temps de jeu. Observer avant d’agir est une posture qui résume assez bien ma première session, avant de devenir une sérieuse habitude jalonnant ma conquête de ce système solaire. À ce titre, difficile de ne pas mentionner l’incroyable beauté du jeu et plus exactement de son système. À nombreuses reprises, je me suis surpris à ponctuer mon exploration de moments de pure contemplation, comme si j’étais contraint d’admirer cette organisation autonome évoquant un somptueux ballet qui s’exécute en continu sous nos yeux émerveillés. Une autonomie que j’ai vraiment ressentie manette en mains, tant ce système est difficile à apprivoiser.
Outer Wilds a eu l’ingéniosité de nous confronter totalement à l’inconnu, si bien que c’est à nous d’identifier les règles du jeu (puisque chaque planète dispose de ses propres règles physiques), ce qui participe à renouveler perpétuellement notre perception, notre compréhension et notre comportement en jeu. Résultat, une première dans ma vie de joueur, j’ai régulièrement été pris de spasmes, de vertiges et d’une peur réellement tétanisante parfois en découvrant les lieux et en domptant les conditions physiques de notre personnage pour braver un danger tantôt visible et invisible. Mais à force de persévérance et de curiosité, le jeu nous confère un sens du lieu qui nous propulse dans sa face cachée, celle qui m’a littéralement bouleversé. Ainsi, là où notre objectif principal est de décrypter les rouages de cet univers, d’en comprendre ses subtilités pour ainsi déceler le rôle que l’on y a à jouer, je n’ai eu d’yeux que pour la puissance évocatrice que l’on extrait en conséquence.
Il y a dans Outer Wilds une dimension archéologique qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Parcourir ce système solaire c’est mettre en lumière les vestiges de plusieurs civilisations, les traces de leurs activités, leurs conversations, leurs doutes, leurs échecs, mais aussi leurs réussites. Un héritage faisant merveilleusement écho à notre espèce et notre condition de vie qui, en toute transparence, m’a fait réfléchir au sens de la vie et m’a surtout fait prendre conscience de sa brièveté. Ce sentiment est d’ailleurs exacerbé par les vingt-deux minutes de jeu dont on dispose avant que la boucle temporelle nous renvoie à la case départ de notre investigation. Outer Wilds a provoqué en moi quelque chose de frénétique, sans doute transcendantal : le besoin irrépressible de surmonter mes peurs les plus intimes.
Au-delà du titre honorifique que nous lui accordons mes camarades et moi, il ne fait aucun doute qu’Outer Wilds ne cessera de me hanter pour de longues années durant compte tenu des raisons esquissées précédemment. Si je semble en être convaincu c’est entre autres du fait que depuis le mois de juin, il ne se passe pas plus de deux jours consécutifs sans que je ne repense pas au jeu. Une expérience que je vais finir par croire indélébile, comme m’en a témoigné Spotify, m’informant que la bande originale du jeu (signée d’une main de maître par Andrew Prahlow) est l’album sur lequel je me suis le plus abandonné cette année. Et voilà que je sifflote encore le thème du jeu en écrivant ces lignes ! Une fois de plus, mais ici plus que jamais, je suis ravi de m’être lancé tête baissée dans une aventure dont je ne savais strictement rien sinon qu’elle portait l’estampille Annapurna Interactive : décidément, Ô Capitaine mon Capitaine, je vous suivrai n’importe où.
Murray
Difficile de passer après les éloges de mes camarades, j’ai l’impression qu’ils ont tout dit et pourtant il reste tellement de choses. Mon année en termes de jeux vidéo a été plutôt bonne, j’ai même eu l’occasion de rattraper des classiques que je n’avais pas pu faire auparavant. Et pourtant c’est bien Outer Wilds qui me revient sans cesse à l’esprit quand on me demande de parler d’un jeu.
Et la raison est très simple : je n’arrive pas à me rappeler depuis quand un jeu m’avait procuré autant d’émotions qui n’étaient pas juste de l’amusement. Et tout en haut de ces émotions, la peur. Attention, pas celle d’être dévoré par un zombie ou de voir apparaître un fantôme (je n’aurai jamais continué sinon), mais la peur due à la réalisation que je n’étais absolument rien dans l’univers du jeu, sinon qu’un simple explorateur. Je connais la mort dans le jeu vidéo, elle n’est que frustrante pour le joueur, et pourtant la première fois que j’ai chuté en direction du trou noir de Cravité sans savoir ce qui allait m’arriver ou la première fois que je suis descendu sous la couche atmosphérique de Leviathe et que j’ai vu apparaître ses énormes tornades… que de frissons !
Et puis il y a eu l’apaisement. Celui de la dernière des 22 minutes de la boucle temporelle, ce moment où la musique se déclenche pour vous faire comprendre qu’il est trop tard pour espérer avancer maintenant. Alors on fait le bilan de nos découvertes, on réfléchit à notre prochain objectif parce qu’il est hors de question d’arrêter maintenant, et on trouve un coin où se poser et regarder la fin arriver inéluctablement encore et encore.
Outer Wilds est une réussite totale à mes yeux. Une année qui comporte un seul jeu comme celui-ci peut être considérée comme une bonne année pour le jeu vidéo. Reste aujourd’hui cependant la peur, celle de ne plus jamais pouvoir revivre une expérience comme celle-là. Je vous laisse, j’ai un jeu à réinstaller.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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