En janvier, The Pixel Post fait son Calendrier de l’Après ! Chaque jour, retrouvez un jeu sorti en 2020 que nous avons adoré, mais qui n’a pas tout à fait eu l’écho que nous espérions. Aujourd’hui, Shift vous parle de Disc Room, un jeu avec des scies, des bonnes idées, des scies, du sang, des énigmes, des scies, une bande-son incroyable, mais surtout des scies.
J’ai lu il y a quelques mois dans une critique peu élogieuse du titre que Disc Room était la pizza Margherita du jeu vidéo, critiquant ainsi la simplicité évidente dont il fait preuve. Et en soi, c’est vrai. Disc Room est confondant de simplicité, mais rappelle à tout instant que, préparé par de bons cuisiniers avec de bons ingrédients, la Margherita ne fait pas juste le taf, elle peut être délicieuse. Côté cuistos, on a affaire à Jan Willem Nijman – la moitié de Vlambeer qui n’est pas Rami Ismail – , à qui l’on doit les fantastiques Luftrausers, Nuclear Throne ou Super Crate Box ; Kitty Calis, qui avait déjà croisé Nijman sur le tout aussi fantastique Minit ; Terri Vellmann, papa des chouettes High Hell et Heavy Bullets ; ainsi que Doseone, compositeur émérite d’Enter the Gungeon. Du très beau monde, donc, et qui – contrairement à grand nombre de supergroupes qui nous servent de la soupe alors qu’ils poutrent indépendamment – accouche d’un titre particulièrement efficace et intéressant.
Car oui, Disc Room c’est à la fois uniquement esquiver des scies circulaires dans des salles carrées et bien plus que ça. Le cœur du gameplay consiste en effet à courir partout dans des salles exiguës tandis qu’on nous lance des objets tranchants dessus, et rien que sur cet aspect, Disc Room excelle. Le game feel est impeccable, notre personnage et ses quelques pouvoirs répondent au doigt et à l’œil, les mouvements des scies sont lisibles, fluides, les impacts sont saisissants, les morts sont brutales et variées, les temps de réapparition sont inexistants : on sent qu’un soin tout particulier a été apporté du côté des sensations de jeu et le rend particulièrement agréable à contrôler, un aspect indispensable pour un titre qui implique de mourir en moyenne toutes les dix secondes sans avoir envie de le rage quit. La partie plastique n’est pas non plus en reste : c’est magnifique, coloré, les cinématiques en bandes dessinées sont très chouettes et la bande-son dépote, avec son électro assez fâchée qui se marie si bien avec les bruitages de scies électriques qu’il est parfois difficile de les distinguer de ses claviers saturés.
Le petit twist, c’est qu’à l’instar de notre personnage, le jeu est découpé en plusieurs morceaux, chacun avec sa petite particularité. Là où la première zone se contente d’un chrono qui défile, les suivantes déclinent le concept de façon toujours assez maline et surprenante, que ce soit sur les conditions de déroulement du temps, sur la visibilité, sur les ennemis présents et autres joyeusetés que je m’en voudrais de spoiler. Au-delà des règles spécifiques à chaque section, les conditions pour débloquer les niveaux suivants iront en se complexifiant, des évidents « Survivre 5/10/15 secondes » dans un niveau, à mourir de tant de façons différentes, passer des salles dans un ordre précis, survivre un certain temps total dans toute une zone et j’en passe, car là encore, c’est très créatif – et je n’aborderai pas non plus la question des boss, qui réservent leur lot de bonnes idées et de situations surprenantes. C’est la raison pour laquelle je m’étais abstenu d’en pondre une critique à sa sortie : réfléchir sur la réussite de Disc Room implique de décortiquer ses mécaniques en profondeur et ainsi gâcher le plaisir de leur découverte.
Il sera néanmoins possible d’en aborder quelques-unes sans trop spoiler de choses. Cette variation d’objectifs, en plus de permettre une progression non-linéaire – certes classique, mais ô combien appréciable, ne pas rester bloqué sur un seul niveau et pouvoir aller tenter sa chance ailleurs est salvateur pour le rythme d’un tel jeu – est principalement basée sur la mort. Et c’est finalement une chose assez étonnante dans le jeu vidéo, où le but est plus souvent de gagner ou au moins de survivre, que de mourir. Et c’est ce qu’il se passe ici : les notions de réussite sont retournées, il ne sera jamais question de rester en vie, juste de ne pas mourir trop tôt, ou de mourir d’une façon voire dans un ordre ou à un moment bien précis ou un certain nombre de fois dans la même pièce. D’une certaine manière – et avec un timing bien particulier, puisque la techno est définitivement débranchée depuis le 31 décembre – Disc Room me semble être le parfait descendant des jeux Flash des années 2010, et tout particulièrement Amorphous +, qui a largement marqué mon adolescence. Dans ce dernier, on incarnait un petit guerrier armé d’une épée, chargé de vider des arènes de blobs en tous genres, lesquelles finissaient par être complétement saturées de bestioles hérissées de piques et autres effets désagréables, au gré des évolutions et fusions. Et si les objectifs et gameplays varient entre les deux titres, je ne peux m’empêcher de penser au titre Flash quand je lance Disc Room tant les deux partagent la même vibe et la même créativité, tant du côté du bestiaire et de l’esthétique que de l’utilisation de la mort dans son gameplay et ses récompenses.
Disc Room est une proposition d’une simplicité déconcertante et d’une radicalité qui mettra d’office de côté un grand nombre de joueurs et joueuses – malgré des options d’accessibilité particulièrement poussées, qui ne le limitent pas à un public exclusivement hardcore. Le titre ne propose finalement qu’une seule chose : des heures à se faire pourchasser par des scies circulaires en suivant des patterns et conditions de plus en plus diaboliques dans un ballet sanglant et hypnotique. Disc Room est impitoyable mais juste, grâce à une physique et une maniabilité irréprochables ; Disc Room est terriblement malin, surprenant et inventif ; Disc Room est un fier descendant de la période Flash : Disc Room est sans hésiter mon coup de cœur indé de 2020.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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